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Le contournement est, en débat encore

Par MBH,
10 June 2014

Les côteaux Saint Adrien | Crédits : Michèle Aulagnon-Ponsonnet

Le débat sur le contournement est est de ceux qui mobilisent les Rouennais. Depuis au moins trente ans. Preuve en est encore la foule présente le 2 juin pour la première d'une série de réunions publiques sur le sujet. Des arguments, des points de vue intéressants et valides ont été opposés aux 41 kilomètres d'autoroute annoncés, certains sur des points précis, d'autres contre la totalité du projet.

Il y a un temps pour tout. Le contournement chancelle sur la balance depuis des décennies. Le tracé en débat pour les mois qui viennent est le fruit des discussions publiques qui avaient eu lieu en 2005 et d'années d'études et de recherches depuis. Il est sérieusement documenté sur le site du projet et sa discussion par les citoyens, encadrée légalement et plutôt bien outillée, offre un exemple positif de démocratie — au moins sur le principe, mais je ne pense pas entrer dans ce débat-là ici.

Le temps de la contestation intransigeante est clos. Je peux me tromper, mais voilà : le contournement est aura bien lieu. On ne résistera pas à l'autoroute. Elle ne passera pas Rouen par l'ouest. Les tracés éliminés le sont, bel et bien peut-être pas, selon l'avis de chacun, mais définitivement.

Je suis une idéaliste, à répétition, tous les jours, de manière persistante, mais pas tout le temps. Il y a un temps pour mettre toute son énergie dans la défense de grands principes, d'une vision parfaite de l'avenir — surtout lorsqu'il s'agit de changements qui, comme celui-ci, affecteront des générations aux niveaux humain, environnemental et sociétal.

Un projet citoyen dans le monde réel

Aujourd'hui pourtant vient l’heure du pragmatisme. Le tracé est scellé, le calendrier projeté. Il ne nous reste que le présent débat pour influer sur le cours de la route. Si les échéances sont maintenues, cette année est la dernière oreille ouverte à la voix des citoyens. Ensuite, tout sera aux mains des experts, de l’État et autres acteurs du projet.

Parce que cette fenêtre de tir est étroite, parce que la démocratie est essentielle et parce que c'est notre dernier levier pour influencer la suite des événements — notre avenir — il y a beaucoup à faire et il faut le faire bien.

Pour ma part, je manque de connaissances pour proposer un avis éclairé, encore moins expert, sur les problématiques en jeu. Ça ne m'empêche pas de poser des questions. En voici quelques unes, à compléter par vous-mêmes dans les commentaires, mais surtout par les moyens démocratiques mis à notre disposition.

Lors du débat de mercredi dernier, les voix se sont élevées nombreuses contre le recours à un concessionnaire — qui de fait était la grande nouveauté dans les épisodes de ce projet diluvien. L’une des corollaires à “prestataire”, c’est évidemment “péages”, ce qui pose plusieurs problèmes.

D’abord, à ceux qui sont en attente d’une solution meilleure pour leurs trajets ; une partie importante du trafic autour de Rouen est constitué de locaux qui roulent quotidiennement d’un point à un autre et bénéficieraient d’une autoroute qui simplifie les trajets et désengorge les voies. Ceux-là voient une amélioration à leur quotidien soudainement plombée d’un coût tout aussi régulier.

Le désengorgement des routes profite à tous ceux qui l’empruntent ; il profite à la sécurité lorsque, par exemple, on voit s’approcher la perspective du transmetteur de Cricquebœuf moins chaotique ; il profite aussi aux transports en commun s’ils empruntent des routes au trafic plus fiable ; il profite enfin aux centres-villes et routes de campagne s’il s’opère par le détournement des camions vers une voirie plus adaptée.

Fermé certes, mais un péage — ou un concessionnaire

Sur ces points, la crainte récurrente est que les péages tuent dans l’œuf les intérêts principaux du contournement autoroutier. Les prévisions d’utilisation sur ce point ont été à la fois mal comprises et justement mises en doute. Certains, à la lecture des projections n’ont pas compris les différences de volumes d’un tronçon à l’autre, pendant que d’autres ont à raison fait remarqué que les chiffres avancés étaient les mêmes qu’en 2005, quoiqu’il ne fût pas question alors de faire payer le passage... À ce sujet, ceux qui craignent que le péage détourne les usagers du contournement n’auront d’ailleurs pas manqué de noter le flou autour des obligations à destination des poids lourds de quitter les routes nationales qu’ils sillonnent aujourd’hui.

Si ces points et d’autres méritent d’être éclaircis, il est explicite que l’administration n’a simplement pas les moyens de réaliser les travaux ; selon mes calculs, il faudrait, au rythme actuel des dépenses routières, environ vingt-cinq ans pour finaliser les quarante-et-un kilomètres en question — en mettant de côté les autres travaux, notamment d’entretien... Ce dont il s’agit est donc bien de peser sur la manière dont les choses seront faites et non de les empêcher.

Je n’en ai pas fini pour autant avec le recours à cette concession. En premier lieu, mon penchant paranoïaque me rend suspicieuse sur le fait qu’aucun nom n’ait été évoqué. Les personnes proches du projet, me semble, ont forcément des noms en tête, des prétendants probables. Pas que ce silence constitue réellement une source d’inquiétude, mais quand même.

Ce qui m’inquiète davantage, c’est la place qui est offerte au concessionnaire. Il est clairement écrit et il a été répété par le responsable des débats que c’est le concessionnaire qui mènera les discussions autour du tracé définitif — c’est à dire que, suite à des études nationales comme indépendantes et à ses études propres, il semble qu’il aura les mains libres pour décider, dans un rayon de trois cents mètres, des cinquante mètres effectivement empruntés par la route. Il est en d’autres termes le garant, partial mais libre, du respect des recommandations émises à l’issue des études préalables et du respect de la parole des citoyens aujourd’hui consultés.

Le concessionnaire a également toute liberté sur le prix des péages. Je ne pourrais me prononcer avec certitude sur ce point, mais j’imagine qu’il décidera également de la localisation des points de paiement.

Évidemment, il est normal qu’il ait une certaine latitude pour mener un projet pour lequel il engage des sommes considérables, siennes en propre ou empruntées. Concernant le prix du péage et la fréquentation à terme de l’autoroute, on peut par ailleurs faire confiance à la loi du marché pour qu’un équilibre bénéfique soit trouvé entre prix et attractivité.

Il n’en reste pas moins que sur des points fondamentaux de notre avenir, donner le final cut à des intérêts financiers me semble discutable, d’autant plus que sur ces questions je n’ai entendu que des réponses très vagues. Je serai attentive aux éléments de réponse à venir quant aux garanties et engagements à ce niveau.

La route, et après

Pour finir, je voudrais évoquer les projets de transports publics. Avant tout pour noter qu’ils sont extrêmement vagues : c’est clairement un argument des défenseurs du contournement, la vision parfaite du développement parallèle d’un réseau de transports urbains et inter-urbains riche et fiable qui profite de la réduction du trafic et remplace la voiture pour nombre d’usagers. Pourtant, c’est un argument fort peu étoffé ; on nous promet des transports en commun plus nombreux et plus adaptés, mais en filigrane on comprend que ce sont les communes d’une part et la CREA de l’autre qui financeront leur développement. De la synergie qui permettrait ce développement, on ne connaît aucun exemple, on ne distingue aucune naissance de projet, on ne déduit aucun axe spécifique.

Il n’est pas impossible que l’essor des transports en commun fonctionne. Les prémisses sont bonnes : un réseau plus fiable est plus attractif et on peut imaginer que les voies desservies soient celles-là même qui sont encombrées — parce qu’utiles — aujourd’hui. Le flou autour de la réalité de la chose me laisse pourtant perplexe, et je crains qu’à l’arrivée le réseau puisse être mal adapté, coûteux, moins développé que prévu et au final boudé par les usagers potentiels.

Tous ces doutes sont peut-être, je l’espère, les fruits d’une méconnaissance de l’ensemble du terrain et du projet. D’autres ont suivi cette affaire depuis plus d’années, de plus près ; ceux qui le présentent enfin travaillent dessus, on le suppose avec passion, depuis longtemps déjà.

Mais puisque la parole nous est donnée, il faut la prendre avec considération. Peut-être mes questions naïves résonneront-elles chez quelqu’un qui connaît une partie du puzzle différente mais complémentaire ; peut-être que d’autres voudront donner leur avis sur un aspect du projet. Je renouvelle donc mon invitation sincère à poursuivre le débat qui nous est offert, dans les commentaires de cet article le cas échéant, mais surtout où votre voix citoyenne peut-être d’utilité publique.